Dépendance : une 5ème branche de la sécurité sociale, et alors ?

Rédigé par Damien Vieillard-Baron        Publié le 21/07/2020

La perte d’autonomie liée au grand âge n’est pas une découverte récente. C’est même un sujet qui passe de main en main depuis plusieurs quinquennats. Mais les crises se succèdent et ne se ressemblent pas forcément.

Tandis que les précédentes avaient invariablement conduit les gouvernements à remettre à plus tard la question de la dépendance, la crise due au Covid-19 a mis les soignants et les EHPAD sur le devant de la scène.
L’émotion suscitée par la fragilité des personnes âgées et des institutions qui les accueillent appelle une réponse.

C’est le momentum « dépendance » ! La solution consisterait donc à créer une 5ème branche de la Sécu estampillée dépendance. Mais au fait, qu’est-ce que cela change ?

L’allongement de durée de la vie, un défi pour notre modèle social

Selon les chiffres du Ministère de la Santé, le nombre de personnes âgées dépendantes s’élevait à 1,265 millions en 2015. Ce chiffre devrait atteindre les 2,235 millions à l’horizon 2050, soit près du double. Sans surprise, le coût de la dépendance va suivre la même pente. Aujourd’hui, la facture atteint 1,4% du PIB, soit 30 milliards d’euros.

Dans quarante ans, la dépendance devrait peser 2,78% du PIB. Cette évolution, due à l’allongement de la vie et, donc, au vieillissement de la population, est inéluctable. Il faut donc anticiper une augmentation des besoins de financement alors même que le système est déjà sous pression. Les soignants dénoncent un manque de personnel, des salaires insuffisamment attractifs, et des conditions d’accueil dégradées. À l’issue de la crise sanitaire, ce sentiment est partagé par la population.

Dans une étude récente, l’OCDE leur donne raison : la France ne disposerait que de 2,3 professionnels de la dépendance pour 100 personnes âgées de plus de 65 ans contre 5 en moyenne pour les pays de l’OCDE.

Quel financement pour la 5ème branche de la Sécurité sociale ?

Dans ce contexte, la création d’une 5ème branche consacrée à la dépendance sonne comme un geste fort : c’est la reconnaissance de la dépendance comme risque social fondamental. Réclamée par le rapport Libault, elle permettrait de mettre sur pied une politique du grand âge, cohérente et homogène sur l’ensemble du territoire. Les pistes d’amélioration sont nombreuses : décloisonner le travail des différents acteurs, éviter les ruptures dans le parcours de soin, renforcer la prévention, favoriser le maintien à domicile, accompagner la montée en compétences des professionnels, revaloriser les métiers, simplifier les dispositifs et améliorer leur lisibilité…

De belles ambitions qui pourraient toutefois se fracasser, comme souvent, sur le mur des réalités budgétaires.

Car si la création d’une 5ème branche dépendance pourrait ouvrir de nouveaux droits aux Français, elle ne résout pas le problème majeur de leur financement. Le rapport Libault chiffrait à 9 milliards, à l’horizon 2030, le surcoût lié à l’évolution de la démographique et à la nécessaire amélioration de la prise en charge de la dépendance.

D’où pourrait provenir cette manne ?

  • Première piste : le redéploiement des ressources existantes.
    Il faudrait alors déterminer un ordre de priorité parmi les dépenses actuelles de protection sociale, et, par conséquent, trouver des économies à réaliser sur certaines prestations. C’est pour le moins épineux. La solution de facilité consisterait à faire une nouvelle fois appel aux entreprises en inventant un nouveau prélèvement obligatoire. Ce serait incohérent avec les efforts réalisés, depuis plusieurs années, pour réduire le coût du travail.
  • Dernière option : profiter du symbole et d’un paquet d’annonces pour demander un effort aux Français, comme l’abandon d’un jour férié ou une petite contribution des retraités.
    Pas simple… Finalement, la création d’une 5ème branche amène plus de questions que de réponses.

Quel rôle pour les acteurs privés de la protection sociale ?

En entrant officiellement dans le giron de la Sécurité sociale, le risque de dépendance tourne définitivement le dos à l’approche assurantielle, conformément aux vœux des Français. Selon la Drees, deux sur trois souhaitent que la perte d’autonomie soit prise en charge par les pouvoirs publics et 7 sur 10 souhaitent que les prestations soient réservées aux plus modestes.

La marge de manœuvre des assureurs et organismes de prévoyance semble étroite. Impossible de répondre aux attentes les plus souvent exprimées par les Comités d’entreprise, à savoir une assurance qui couvrirait non pas le risque de dépendance des salariés eux-mêmes, mais celui de leurs parents. Les bénéficiaires doivent faire partie de l’entreprise.
Quant à l’approche par capitalisation, elle reviendrait finalement à proposer des outils semblables à ceux qui existent déjà pour l’épargne retraite.
L’innovation pourrait venir d’un système modulable qui permettrait d’opter pour une libération du capital sous la forme d’une rente de dépendance, servie en complément des prestations de Sécurité sociale.

Mais avant d’imaginer des produits complémentaires, les acteurs privés de la protection sociale en sont, pour l’instant, réduits à attendre les nouvelles règles du jeu.

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Article écrit par
Damien Vieillard-Baron

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