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Les assureurs Harmonie Mutuelle et Malakoff Humanis viennent d’annoncer une décision qui fera sans doute plaisir à leurs assurés individuels : la restitution d’un mois de cotisations santé. Une démarche rare, qui se veut exemplaire. Mais au-delà du symbole, ce geste met en lumière une question centrale et trop souvent occultée : les dérives de consommation de soins sont-elles réellement si imprévisibles que cela ? Ou bien les modèles actuariels des assureurs sont-ils devenus, ces dernières années, excessivement prudents, voire pénalisants pour les assurés et les entreprises ?
Une consommation de soins en retrait des prévisions
Selon les deux assureurs, la restitution est motivée par un écart favorable entre les dépenses de santé réellement constatées et celles anticipées. Malakoff Humanis évoque « une dérive des dépenses de santé sur les contrats individuels en 2024 et au premier semestre 2025 inférieure aux prévisions », en raison d’une consommation médicale « en-deçà des estimations ».
Plusieurs facteurs expliquent ce décalage : d’une part, la consommation réelle de soins reste modérée, en dépit du vieillissement de la population et du contexte post-Covid. D’autre part, certaines réformes attendues, censées alourdir la facture, ont été repoussées. La majoration des honoraires de médecins spécialistes ou encore l’extension du dispositif « 100 % santé » aux prothèses capillaires et aux fauteuils roulants n’ont pas encore vu le jour.
Une prudence systémique qui pénalise les assurés
Ce n’est pas la première fois que les projections des assureurs s’avèrent surestimées. Depuis deux ans, en tant que courtier spécialisé dans les contrats collectifs santé, je constate — et dénonce — une tendance lourde dans le secteur : une surévaluation chronique des dérives de remboursements. Là où les tendances réelles se situent généralement entre +4 % et +5 % par an, les hypothèses de tarification s’appuient fréquemment sur des projections allant jusqu’à +6 % ou +8 %.
Résultat ? Des augmentations de cotisations préventives, fondées non sur des données consolidées, mais sur des scénarios pessimistes. Le coût de cette incertitude réglementaire est, in fine, payé « cash » par les assurés et les entreprises, même lorsque la sinistralité ne le justifie pas.
Restituer après coup : une solution à double tranchant
Restituer un mois de cotisation peut sembler généreux. Mais cette solution arrive tard, et son efficacité financière réelle est limitée. D’une part, les montants restitués sont amputés de la taxe sur les conventions d’assurance (13,27 % minimum), et des chargements techniques et commerciaux appliqués par les assureurs. D’autre part, elle ne compense pas l’effet de levier qu’aurait eu une cotisation initialement plus juste sur le pouvoir d’achat des assurés ou sur la trésorerie des entreprises.
Il est donc permis de s’interroger : pourquoi ne pas intégrer dès le départ une marge d’incertitude raisonnable, plutôt que de jouer systématiquement la carte du surprovisionnement ? Cette stratégie, certes prudente sur le plan financier, a un coût réputationnel certain. À force de surévaluer les risques, les assureurs s’éloignent de leur rôle de partenaire équilibré pour les employeurs et les assurés.
Un enjeu de crédibilité pour les assureurs
Au fond, la question dépasse la simple restitution de cotisations. Elle touche à la crédibilité même des modèles actuariels et des directions techniques des assureurs. En surjouant l’incertitude, elles prennent le risque de fragiliser la confiance du public et des entreprises. Car si les dérives réelles sont systématiquement inférieures aux prévisions, quelle valeur donner aux hypothèses avancées pour justifier les hausses annuelles ?
Dans un contexte de tension sur le pouvoir d’achat, de vigilance accrue des régulateurs et d’exigence croissante de transparence, il est urgent que les acteurs de l’assurance santé réajustent leurs méthodes d’évaluation. Plutôt que d’adopter une posture défensive face aux incertitudes réglementaires, ils doivent revenir à une analyse plus fine, plus dynamique, et plus ancrée dans la réalité du terrain. Depuis la crise Covid, les habitudes de consommation ont changé. Les modèles actuariels des assureurs devraient donc s’ajuster pour mieux refléter cette nouvelle réalité.
Conclusion : vers un nouveau contrat de confiance ?
La décision d’Harmonie Mutuelle et de Malakoff Humanis est louable dans l’intention. Elle reconnaît implicitement un excès de prudence. Mais pour que ce type d’initiative ne soit pas perçu comme un simple geste ponctuel de bonne volonté, il faut aller plus loin.
En tant que courtier au plus près des entreprises, je plaide pour un retour à des pratiques plus justes, plus transparentes, et mieux équilibrées entre précaution et réalité économique. La confiance des assurés se mérite, elle ne se rachète pas. La voie d’avenir, c’est celle de l’ajustement a priori — pas celle de la réparation a posteriori.
Article écrit par
Damien Vieillard-Baron

Amadou Kasse

Margaux Vieillard-Baron




Hervé Baron