Prévoyance obligatoire et cotisation de 1,50% de la tranche 1

Rédigé par Estelle BALDERESCHI        Publié le 24/06/2022

Depuis la signature de la CCN de retraite et de prévoyance des Cadres du 14 mars 1947. La question de la prévoyance obligatoire et de l’appréciation de la règle du 1,50% de la Tranche 1 ne cessait d’interroger et de nourrir le débat. D’abord au sein des cabinets de conseil puis plus récemment devant les juridictions.

Une prévoyance obligatoire à hauteur de 1,50% de la tranche 1

Selon l’article 7 de la CCN du 14 mars 1947, reconduit dans l’article 1 de l’ANI du 17 novembre 2017 [1] relatif à la prévoyance des cadres. L’employeur s’engage à verser à un organisme assureur, pour les salariés « cadres et assimilés » (relevant de l’article 2 de l’ANI, anciennement articles 4 et 4 bis de la CCN)[1] une cotisation à sa charge exclusive, égale à 1,50% de la Tranche 1. L’affectation de cette cotisation obligatoire est prioritaire à la couverture des garanties décès.

Cette obligation alimente la controverse depuis maintenant 75 ans concernant le périmètre d’appréciation de cette cotisation. La terminologie « prévoyance », utilisée dans le texte fondateur, laissait place à l’interprétation. Fallait-il y entendre uniquement la prévoyance dite lourde (risques décès – incapacité – invalidité) ? Ou ce terme pouvait-il intégrer d’autres risques ? Tels que les frais de santé ?

Il peut s’agir soit du texte originel, soit de sa reconduction dans l’ANI. Les auteurs devront uniquement préciser que la cotisation pour la prévoyance obligatoire de 1,50% doit être affectée « par priorité », à la couverture d’avantages en cas de décès. On ne trouve aucune précision quant à la proportion à respecter et sans définir l’assiette de ces 1,50%.

Absentes des tribunaux, ces questions concernant la prévoyance obligatoire ont longtemps été encadrées uniquement par la lettre AGIRC du 26 août 1994 qui précisait « l’expression par priorité signifie que plus de la moitié de la cotisation obligatoire de 1,50% doit être consacrée à la couverture du risque décès… » soit une cotisation au minimum de 0,76% de la Tranche 1.

Restent donc 0,74% à affecter. C’est un débat d’interprétation qui a animé la doctrine et le marché jusqu’à aujourd’hui.

 

Une proposition de loi qui fait débat

La controverse liée à la prévoyance obligatoire sur 1,50% de la Tranche 1

L’opposition de la « prévoyance » (risques décès – incapacité – invalidité) à la « complémentaire santé » (frais médicaux) à influencer la gestion des 1,50%. En effet cela a poussé une partie de la doctrine à considérer l’affectation des 0,74% restants. Néanmoins, par prudence, il faut affecter le reliquat de 0,74% uniquement à des risques lourds (type incapacité ou invalidité). Par extension, pour apprécier le respect de l’obligation patronale, il ne faut prendre en compte que la cotisation afférente au contrat prévoyance.

Fortes d’une expertise ancrée depuis plusieurs années dans l’analyse de la réglementation, les équipes de Gerep exposent leur opinion. Ces derniers estiment que la distinction mentionnée ci-dessus relève de la terminologie usuelle. Mais qu’elle ne relève nullement des textes fondateurs. Elle ne ferait pas obstacle à la prise en compte de la cotisation patronale dédiée au régime frais de santé. C’est en ce sens que nous avons conseillé nos clients dans la mise en place de leurs régimes de protection sociale.

Clarification par la Cour d’Appel

Cette analyse a été confortée dans un premier temps par la Cour d’Appel de Paris[2]. Elle avance une lecture large de la notion de prévoyance obligatoire de 1,50%. Et relève qu’il existe certes une distinction opérée par le législateur entre les Frais de santé et la Prévoyance lourde en 2013. Toutefois, la CCN et l’ANI qui lui fait suite, n’excluent pas les Frais de santé des avantages de la prévoyance obligatoire financés à travers la cotisation minimale de l’employeur. Cet arrêt, un des premiers arrêts en la matière (et le premier basé sur l’ANI) a fait jurisprudence à défaut de décision de la Cour de Cassation.

C’est chose faite avec la récente décision de la Haute Juridiction[3], venue valider l’interprétation retenue par la Cour d’Appel de Paris.

En reprenant le raisonnement selon lequel, ni la CCN, ni l’ANI n’excluent les régimes de Frais de santé de la notion de Prévoyance. Mais il prévoyait uniquement l’affectation prioritaire de la cotisation au risque décès. La Cour de Cassation vient approuver que, pour apprécier le respect de l’employeur de son obligation de cotisation en matière de prévoyance :

« Il devra être tenu en compte de la cotisation patronale versée pour le financement de la garantie frais de santé ».

COUR DE CASSATION

Cette décision confirme l’approche de Gerep et sécurise les régimes existants de nos clients.

Autres risques

Outre cette modification de la loi sur la prévoyance obligatoire de 1,50%, d’autres questions restent en suspens. Et ne pas les traiter, générerait très certainement de nouvelles jurisprudences. Telles que le cas d’un salarié cadre ayant fait valoir une dispense d’affiliation, loin d’être un cas d’école. On peut également citer l’actualisation de la position de l’AGIRC de 1947. Cette dernière nécessite probablement une remise au goût du jour. Pour ainsi permettre une meilleure adéquation avec les besoins actuels de couverture.


[1] Accord national interprofessionnel du 17 novembre 2017 instituant la fusion des régimes Agirc-Arrco

[2] Cour d’appel de Paris, 6 février 2020, n° 18/20112 Pôle 6 – Chambre 2

[3] Cass. Soc. 30 mars 2022, n°20-15022, « Syndicat Avenir c/ Sopra Steria »

Vous avez aimé cet article ? Partagez-le !

Article écrit par
Estelle Baldereschi

Suivez-nous !