Réforme des retraites : 5 chiffres pour y voir clair !

Rédigé par Amadou Kasse        Publié le 24/02/2023

Bataille de milliards autour de la réforme des retraites. Le sujet brasse tant de chiffres exorbitants que chacun peut en choisir quelques-uns à sa guise pour défendre une position. Tous sont pourtant fournis par le COR (Conseil d’Orientation des Retraites). C’est un organe relativement épargné par les critiques, qui rassemble organisations syndicales et professionnelles, parlementaires, experts et membres de l’administration. Voici cinq chiffres, issus du dernier rapport du COR, qui permettront de comprendre la réforme des retraites.

321 Milliards € : le montant net des pensions de retraite

C’est le montant des pensions – nettes de prélèvements obligatoires – versées en 2021. Ce qui correspond à 12,8% du PIB, plus de la moitié des dépenses de protection sociale en France. On entend aussi le chiffre de 345 milliards, correspondant à 13,8% du PIB. Mais ce montant brut intègre des taxes qui sont prélevées principalement… pour financer les pensions. Quel que soit le chiffre retenu, notre pays figure indiscutablement parmi les leaders en Europe, avec en moyenne un à deux points de plus que ses voisins (hors Italie).

Même dans un système par répartition, certains régimes complémentaires comme l’Agirc-Arrco ont des réserves. Mises bout à bout et agrégées au Fonds de réserves des retraites (FRR), ces réserves dépassent les 200 milliards d’euros. Une somme qui permet de garantir les pensions de catégories spécifiques d’actifs. Certains ont cru bon de proposer de piocher dans ces réserves pour combler les déficits. Voulaient-ils la fusion immédiate des régimes ou envisageaient-ils une confiscation pure et simple ? Cette proposition fantaisiste vient de l’idée qu’on pourrait racler les fonds de caisses pour éponger les déficits des prochaines années en attendant que la situation s’améliore… un jour. Après nous, le déluge…

25 ans : la période durant laquelle le système serait déficitaire

Les déficits s’expriment généralement en pourcentage du PIB. Sur les dix prochaines années, les déficits oscilleraient entre 0,5% et 0,8% du PIB. Pas de quoi parler de faillite… Mais, ces fractions de pourcentage pèsent tout de même entre 12 et 20 milliards d’euros par an (rapportées au PIB 2021). Soit, au bout de quatre ans, plus que le budget de l’Éducation nationale !

Les projections du Conseil d’Orientation des Retraites (COR) anticipent un déficit, au moins pour les 15 prochaines années dans l’hypothèse la plus favorable. Pour que le système repasse dans le vert au milieu des années 2030, il faudrait toutefois tenir le rythme effréné d’une croissance à 1,6% par an de moyenne avec un taux de chômage à 7%. Avec un taux de croissance de 1,3%, il faudrait attendre 10 ans de plus. C’est le scénario le plus réaliste, qui se rapproche de la moyenne des différentes hypothèses échafaudées par le COR. Ce qui lui fait dire que le système sera déficitaire, « en moyenne », sur les 25 prochaines années.

Plus de 30 milliards : l’effort invisible et constant de l’Etat

Ces prévisions sont réalisées avec la convention EEC (Effort de l’Etat Constant) qui suppose un maintien au niveau actuel (par rapport du PIB) de l’effort budgétaire de l’Etat pour équilibrer certains régimes. Car il faut bien comprendre que lorsque le COR affirme que le système de retraite est bénéficiaire (900 millions d’euros en 2021), c’est en intégrant, dans les ressources, des subventions et contributions de l’Etat destinées à combler certains déficits, notamment celui du régime de la fonction publique à hauteur de 30 milliards d’euros, et ceux des régimes spéciaux pour environ 6 milliards. Attention, ces montant colossaux ne financent pas des avantages, précise le COR. Ils compensent les effets d’une démographie très défavorable : beaucoup de retraités pour peu d’actifs.

Même si elle semble camoufler une partie du déficit, la convention EEC est la plus pertinente pour s’intéresser, dans le temps, à l’évolution globale du poids des retraites sur les finances publiques. L’autre convention, EPR, permet d’extraire du calcul tous les régimes équilibrés par l’Etat, pour ne s’intéresser qu’à la situation des régimes du secteur privé. Or, selon cette convention, le régime est dans le rouge au minimum jusqu’en 2060 dans le scénario le plus favorable fondé sur un taux de croissance à 1,6% de moyenne. Dans les autres scénarios, pas d’équilibre en vue. Conclusion : c’est du côté des retraites du secteur privé que le déséquilibre entre ressources et pensions va se dégrader le plus nettement au cours des prochaines décennies.

1,2 : le rapport entre actifs et retraités en 2070

La principale explication à ces déséquilibres est fournie par le vieillissement de la population qui pèse sur l’équilibre entre les ressources du système de retraite et les pensions. En 2020, selon le COR, on comptait 1,7 personne en emploi pour 1 retraité. Le rapport était à 2,1 cotisants pour un retraité en 2000. Il devrait passer à 1,2 en 2070. Les projections démographiques sont bien sûr aléatoires. Mais si on les accepte, le déséquilibre du système des retraites devient une question de mathématiques : une baisse des ressources par rapport aux dépenses mène à un déficit.

Pour combler ce déficit, trois solutions : augmenter les ressources, c’est-à-dire les cotisations ou les taxes ; baisser les pensions, un processus qui est déjà en cours dans le cadre des précédentes réformes ; modifier le rapport entre cotisants et retraités en déplaçant l’âge de départ en retraite.

62,4 ans : l’âge moyen de départ en retraite en 2020

L’âge moyen effectif de départ en retraite se situait à 62,4 ans en 2020. Sous l’effet des réformes précédentes qui rallongent graduellement la durée de cotisation à 43 ans, cet âge de départ en retraite serait passé progressivement à 63,7 ans en 2040. La réforme envisagée actuellement vise à accélérer le passage à 43 ans de cotisation, en décalant, de surcroît, à 64 ans l’âge légal de départ en retraite. Ce qui amènerait l’âge moyen de départ nettement au-delà des 64 ans. Un mouvement similaire est à l’œuvre chez nos voisins européens confrontés aux mêmes défis. Dans un rapport de décembre 2020, le COR estimait que l’âge moyen de départ en retraite en Union européenne, passerait, à législation constante, d’à peine plus de 63 ans en 2017 à 65 ans à horizon 2035.

Tous ces chiffres ne disent pas qu’un recul de l’âge de départ en retraite est inéluctable. Ils ne permettent pas non plus de prendre position sur la pertinence d’éventuelles solutions :

  • Augmentation des taxes ou des cotisations
  • Baisse des pensions
  • Prise en compte de la pénibilité ou du niveau de revenu
  • Mise en œuvre d’une dose de retraite par capitalisation
  • Incitations à la retraite progressive

En revanche, il permettent d’affirmer une évidence, curieusement remise en question par certains commentateurs : il y a bel et bien un problème à régler.

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Article écrit par
Amadou Kasse

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