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Les téléconsultations sont remboursées par l’Assurance maladie depuis plus d’un an. La télémédecine bénéficie d’un cadre juridique précis depuis de longues années. Pourtant, jusqu’à peu, elle peinait à convaincre les patients et les soignants. Selon une étude d’Odoxa réalisée en janvier 2020, seuls 6% des Français y avaient eu recours, et 3 sur 4 craignaient qu’elle déshumanise la relation entre le patient et son médecin. Mais ça, c’était avant la crise due au Covid-19… Autant dire, une éternité.
Une pratique encouragée par les pouvoirs publics pendant la crise du Covid-19
Les téléconsultations permettent de mettre en relation un patient et un médecin via un écran d’ordinateur ou un smartphone. Cette consultation à distance donne lieu à une feuille de soin envoyée à l’Assurance maladie par le médecin, et à un remboursement sous certaines conditions : elle doit notamment s’inscrire dans le parcours de soins coordonnés, c’est-à-dire, être réalisée par le médecin traitant ou un spécialiste recommandé par le médecin traitant. Une visite, physique, chez le praticien, dans les douze mois précédant la téléconsultation, était exigée. Des décrets ont levé cette contrainte pour les suspicions de Covid-19, et porté à 100% le remboursement par l’Assurance maladie jusqu’à la fin de l’année. Un sérieux coup de pouce réglementaire.
Les réticences des médecins balayées dans l’urgence
Du côté des soignants, l’engorgement redouté des services d’urgence et le risque de contaminer médecins de ville ont eu raison des dernières réticences. Evidemment, l’examen clinique via un écran manque de précision et laisse planer le risque de passer à côté d’une pathologie. Dans de nombreux cas, le médecin ne peut se dispenser d’un examen physique du patient. Néanmoins, en présence de l’épidémie de Covid-19, l’intérêt des téléconsultations a éclaté au grand jour : elles permettent de faire de la prévention, de lever des doutes, de rassurer les patients, de suivre l’évolution des symptômes et, dans la majorité des cas, d’éviter des déplacements inutiles et potentiellement nuisibles. Hier, c’était une pratique marginale, à prendre avec des pincettes. Aujourd’hui, la téléconsultation apparaît comme une réponse incontournable au traitement de la Covid-19, mais également pour toutes les maladies contagieuses, qui voient chaque année patients et microbes s’agglutiner dans les salles d’attentes des cabinets médicaux.
Plateformes de télémédecine : les start-ups dans les starting-blocks
Pour que la télémédecine prenne son envol, il fallait naturellement des solutions techniques prêtes à l’emploi. De nombreuses entreprises de la e-Santé étaient dans les starting-blocks. Forte de sa position d’intermédiaire entre les patients et leur médecin traitant, Doctolib n’a eu qu’à promouvoir cette fonctionnalité. L’entreprise a alors formé et équipé massivement les médecins pour qu’ils puissent donner des consultations vidéo à distance via la plateforme de prise de rendez-vous. En avril, Doctolib affirmait avoir multiplié par 100 le nombre de ses téléconsultations, passant de 1 000 à 100 000 par jour, au plus fort de la crise ! Comme Doctolib, Qare ou Hellocare permettent au patient de consulter à distance leur médecin traitant ou un autre médecin disponible.
Chez Livi ou Medadom, le principe est totalement différent puisque les médecins sont salariés par les plateformes de consultation en ligne, et donc, potentiellement installés à l’autre bout de la France. Un fonctionnement qui ne cadre pas avec les critères édictés par l’Assurance maladie, et notamment la nécessité d’avoir rencontré physiquement son médecin dans les douze mois précédents. Hors Covid, ces consultations à distance ne sont donc pas remboursées. Les entreprises de télémédecine plaident pour un changement réglementaire en vue de faire rentrer leurs prestations dans le giron de l’Assurance maladie.
En attendant, des complémentaires santé proposent, sur certains contrats, des prestations de télémédecine qu’elles prennent en charge via des réseaux de soins comme Santéclair ou Itelis. Les assurés peuvent donc s’informer, se rassurer, consulter un médecin à distance et télécharger une ordonnance grâce à ces plateformes spécialisées.
Quel avenir pour la télémédecine après le Covid-19 ?
Selon les chiffres de la Cnam (Caisse nationale d’assurance maladie) publiés en juillet, 5,5 millions de téléconsultations ont été remboursées au cours des mois de mars et avril. Au plus fort de la crise, elles ont représenté plus du quart des consultations. 56 000 médecins se sont mis à la télémédecine alors qu’ils n’étaient que quelques milliers à l’avoir expérimenté au mois de janvier. Les médecins de moins de 50 ans ont été les plus prompts à proposer ces services. En revanche, c’est du côté des patients les plus âgés que le changement d’habitude a été le plus spectaculaire. Pendant le confinement, les plus de 70 ans ont représenté plus de 20% des actes facturés.
Au début du mois de juillet, on comptait encore plus de 300 000 téléconsultations chaque semaine. Au cours du mois d’août, leur nombre hebdomadaire est descendu sous la barre des 200 000. Rien ne garantit que l’engouement pour la télémédecine perdurera après la crise. Les habitudes ont la vie dure. Mais la crise du Covid-19 aura néanmoins dissipé de nombreux freins et mis en évidence l’efficacité de cet outil et sa pertinence. Une fois la crise passée, certaines préoccupations resurgiront : engorgement des urgences, risque épidémique, déserts médicaux… Dès lors, nul doute que la télémédecine aura un rôle à jouer dans les évolutions à venir de notre système de santé.
Damien Vieillard-Baron
Article écrit par
Margaux Vieillard-Baron