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Les grands principes du nouveau système de retraite qui s’annonce tiennent en une promesse : chaque euro cotisé donnera accès aux mêmes droits pour tous les actifs quel que soit leur statut. Pas de quoi inquiéter les cadres ! Pourtant, à y regarder de plus près, ceux-ci devraient peut-être s’intéresser un peu plus aux dispositifs d’épargne retraite dont ils bénéficient déjà ou pas, afin de mieux anticiper leur départ en retraite. Le point sur quelques préconisations du rapport Delevoye qui pourraient avoir un impact négatif sur la retraite des cadres.
Un plafond de cotisation qui descend de plusieurs étages
Un système de retraite universel suppose un taux de cotisation uniformisé. Le taux est trouvé : 28,12 %, dont 2,81 % au titre de la solidarité, mais le rapport Delevoye prévoit également un certain nombre de plafonds. Pour les salariés, celui-ci serait fixé à 120 000 euros bruts par an. Au-delà de ce montant, la rémunération ne serait plus soumise qu’à la cotisation de solidarité de 2,81 %, tandis qu’auparavant, les salariés pouvaient acquérir des droits jusqu’à une rémunération annuelle de 320 000 euros bruts. La conséquence pour quelques 200 000 cadres supérieurs : une petite augmentation de leur rémunération nette en contrepartie d’une chute brutale de leurs revenus au moment de la retraite.
Les carrières ascendantes défavorisées
Avec le système à point, chaque actif emmagasine des points depuis son premier job d’été jusqu’à son pot de départ. Les points correspondent aux montants versés au titre des cotisations, et sont convertis au moment du départ en retraite en fonction d’une « valeur de service ». C’est donc toute la carrière, au lieu des 25 dernières années, qui déterminera le montant des revenus à la retraite. Les salariés qui ont connu une forte progression de leurs revenus durant leur parcours, verront donc leurs meilleures années, les seules prises en compte dans le système actuel, pondérées par un début de carrière moins favorable.
Nombre de trimestres plutôt que l’âge pivot : gare aux études longues !
L’un des enjeux de la réforme était également d’inciter à travailler plus longtemps ou, en tout cas, de décourager les départs en retraite trop précoces, par l’instauration d’un malus. Alors que le débat battait son plein autour de la question de « l’âge pivot » qui permettrait d’atteindre le taux plein sans malus, le Président de la République a fait part de sa préférence pour une prise en compte de la durée de cotisation. Il ne serait plus question d’âge mais de mois ou d’années de travail ayant donné lieu à cotisation. De toute évidence, cette formule désavantagerait les salariés qui, ayant fait des études longues, sont entrés tardivement sur le marché du travail. Le système y perdrait en lisibilité ce qu’il gagnerait en « redistributivité ». Difficile d’imaginer une marche arrière sur ce point tant l’opinion publique semble, ces derniers temps, sourcilleuse sur les questions de justice sociale.
Lisibilité du système et stratégie de vie
Malgré ces coups de canif dans les pensions des cadres, la plus forte incitation à s’intéresser aux dispositifs d’épargne retraite pourrait finalement venir du cœur de la réforme lui-même. Aujourd’hui, impossible d’évaluer de manière fiable ses droits à la retraite sans l’aide d’un expert. Encore moins de faire des simulations. Le montant de sa future retraite demeure un grand Mystère. Avec le nouveau système, plus lisible, chacun pourra anticiper le niveau de sa pension, faire différentes hypothèses et procéder à des choix éclairés. Les dispositifs d’épargne retraite supplémentaire seront alors de précieux outils pour mettre en place des stratégies personnelles en vue de la retraite. Par exemple, un cadre, ayant démarré sa carrière à 24 ans et passé quelques années à l’étranger, pourrait décider d’épargner pour compenser le malus à venir afin de ne pas trop décaler son départ en retraite.
La règle d’or pour éviter les déficits
L’équilibre du régime, un point clé du nouveau système, devrait, de plus, être maintenu par un allongement automatique de la durée de cotisation. Le taux de cotisation ou le montant des pensions, les deux autres paramètres, ne semblent pas devoir servir de variable d’ajustement. C’est le chemin que semble prendre la fameuse « règle d’or », chargée d’éviter les déficits. Par conséquent, l’allongement de la durée de la vie et l’augmentation continue du poids des retraités par rapport aux actifs, laissent présager une hausse constante de la durée de cotisation. Tandis que l’équilibre du système a été un casse-tête pour les gouvernements depuis des décennies, la réforme portée par Jean-Paul Delevoye laisserait les salariés face à leur propre choix : renoncer à une partie de leur pension, travailler plus longtemps… ou épargner pour leur retraite.
Article écrit par
Damien Vieillard-Baron