Alerte rouge sur le niveau de vie des retraités

Rédigé par Amadou Kasse        Publié le 29/03/2023

Le niveau de vie des retraités

Les débats sur la réforme des retraites se cristallisent sur la durée de cotisation et sur l’âge de départ. Les sondages ne laissaient aucun doute à ce sujet : les Français ne veulent pas travailler plus longtemps ! Pour les opposants à la réforme qui reconnaissent la réalité du déséquilibre financier du régime, la solution pourrait être de mettre à contribution les entreprises en relevant les cotisations patronales. Sans préjuger de sa pertinence, cette option semble impossible du fait du niveau déjà hors sol des prélèvements sociaux qui pèsent sur le travail et l’activité. 

C’est le blocage ! Un dernier paramètre reste toutefois assez peu commenté : le montant des pensions. Or, celui-ci pose problème.
Il offre un niveau de vie confortable aux retraités aujourd’hui. Mais l’avenir pourrait être moins radieux. 

Aujourd’hui, le niveau de vie des retraités est au-dessus de la moyenne 

En partant à la retraite, chacun sait qu’il devra renoncer à une partie de ses revenus. En cumulant, pensions, revenus d’activité et du patrimoine, et prestations sociales, les ménages retraités perçoivent en moyenne 84,3% du revenu moyen. Mais pour calculer le niveau de vie, on rapporte les montants perçus au nombre de personnes qui composent le foyer*. Ce nouveau calcul fait grimper le niveau de vie des retraités au-dessus de celui de l’ensemble des ménages à 101,5% en 2019. Ce n’était pas le cas avant 2000, et dans les années 1970, le niveau de vie des retraités se situait à 70% de celui de l’ensemble de la population. Par ailleurs, les inégalités sont moins importantes chez les retraités et le taux de pauvreté plus bas que dans le reste de la population. 

Les retraités français sont donc plutôt bien lotis même s’ils ne s’en rendent pas compte. Ils sont environ 15% seulement à penser que leur niveau de vie est supérieur à celui des actifs, contre 50% qui pensent même l’inverse. Cette impression s’explique très aisément. D’abord, ils subissent une érosion de leur pouvoir d’achat au fur et à mesure du temps, du fait de revalorisations de leurs pensions inférieures à l’inflation. Car ce sont, en réalité, les nouveaux retraités qui font monter la moyenne. Ensuite, ils ont tendance à comparer leur niveau de vie avec ce qu’il était avant la retraite. Or, les actifs de plus de 50 ans ont un niveau de vie supérieur au reste de la population. 

Demain, baisse des pensions en vue 

Les taux de remplacement sont orientés à la baisse sous l’effet des réformes passées et des accords conclus par les partenaires sociaux pour équilibrer les comptes de l’Arrco-Agirc. Ce taux est supérieur à 75% pour les non-cadres du secteur privé nés dans les années 1950. Il devrait chuter à moins de 65% pour les générations nées en 2000 avec un scénario de croissance à 1,3%. 

À cette perte de revenus sonnante et trébuchante, s’ajoute la baisse du niveau de vie relatif des retraités pour les dizaines d’années à venir. En effet, leurs pensions étant indexées sur les prix, et même sous-indexées, elles évolueront moins vite que les gains de productivité et les salaires. Même avec des revenus qui augmentent, l’impression sera celle d’un déclassement par rapport aux actifs. Conséquence : dans un scénario à 1,3% de croissance moyenne, le niveau de vie des retraités passerait de 101,5% aujourd’hui à moins de 80% par rapport à celui du reste de la population à horizon 2070. Soit le niveau qui était le sien dans les années 1980. 

Ainsi, c’est bien la réduction des pensions de retraite qui permet, pour l’instant, de contrebalancer l’effet du vieillissement de la population. En toute discrétion. 

Après-demain, une évolution soutenable ? 

La chute du niveau de vie relatif des retraités sera spectaculaire. Dans la plupart des pays de l’OCDE, le rapport entre le niveau de vie des retraités et celui de l’ensemble de la population est, toutefois, déjà compris entre 80% et 90%. De plus, les projections du COR et de l’OCDE ne tiennent pas compte des évolutions des comportements des salariés, qui pourraient se tourner vers des solutions d’épargne retraite. Naturellement, la capacité à se constituer un pécule pour ses vieux jours est supérieure chez les actifs les plus aisés. 

Reste donc le problème des futurs retraités les plus modestes ; ceux dont les carrières auront été hachées, ceux dont le statut n’était pas protecteur (indépendants, artistes, …), ceux qui se retrouvent seuls. Pour ceux-là, la baisse du niveau de vie pourrait prendre la forme d’un basculement dans la pauvreté. C’est pour contrecarrer cette menace que la réforme des retraites prévoit une revalorisation des petites pensions pour parvenir à 85% du Smic ou à 1.200 euros. 

Le dispositif concerné est le Minimum contributif qui vient majorer les pensions de retraites calculées selon le droit commun. Des guerres de chiffres ont agité les débats autour du niveau de 1.200 euros qui ne concernerait finalement que 10.000 à 20.000 retraités chaque année sur les 800.000 qui liquident leurs droits. La revalorisation des petites pensions devrait néanmoins concerner 1,8 million de retraités. Avec notamment un gain mensuel de 57 euros en moyenne. 

On comprend quand même la logique à l’œuvre

Les pensions baissant irrémédiablement, l’Etat se charge de venir en aide aux plus fragiles. On peut donc s’attendre à un tassement des pensions en bas de l’échelle. Les classes moyennes voyant le niveau de leurs rentes se rapprocher de celui des prestations minimales. Avec à la clé, encore un désagréable sentiment de déclassement. C’est un argument de plus en faveur du développement de l’épargne retraite. 

Aujourd’hui, c’est un bonus. 

Demain, ce sera sans doute un troisième niveau de pension indispensable pour le maintien du niveau de vie des retraités. 

*Pour passer du revenu du foyer au revenu par personne, il faut diviser le revenu du foyer par le total des unités de consommations du foyer calculé comme suit : 1 unité de consommation pour le premier adulte + 0,5 par personne de plus de 14 ans + 0,3 par enfant de moins de 14 ans 

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Article écrit par
Amadou Kasse

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